Un article. 9 pages.
Parler, à propos d’une oeuvre littéraire, de hasard relève de la gageure. A moins d’y voir un thème littéraire et non un des aspects du fonctionnement de l’écriture. Exception faite des expériences très contemporaines d’écritures automatique ou aléatoire, et même en tenant compte de la logique interne au texte, qui, dans une certaine mesure, échappe à son concepteur, le hasard en littérature reste avant tout tributaire du projet de l’auteur.
Il existe cependant des lieux qui entrent dans une thématique spécifique et qui, en même temps, fonctionnent au sein du texte avec leurs propres règles et favorisent des rencontres fortuites, des événements occasionnels, des espaces où tout se passe comme si le hasard régnait en maître. Le jardin, parce qu’il échappe en partie aux règles des espaces domestiques ou à celles des espaces urbains, entre dans cette catégorie des lieux casuels où tout semble possible. Dans le Décaméron, le jardin est un endroit étrange et très particulier qui ne répond pas aux normes en vigueur dans la plupart des lieux dans lesquels évoluent les personnages des nouvelles et de la cornice. C’est un espace qui échappe en partie à la rigidité des codes sociaux et qui est le théâtre privilégié de rencontres improbables ou interdites : un lieu qui a toute les apparences du hasard et qui, avant tout, ouvre le champ des possibles et offre aux personnages, à l’instar d’Ève devant l’arbre défendu, l’occasion de défier les lois.