Presses Universitaires de France, 1998. — 350 p.
"La grande question métaphysique, aujourd’hui, en matière de langage, est de savoir si le modèle computationnel suffit à expliquer le comportement linguistique humain. Est-ce que la faculté de langage de chacun d’entre nous et sa compétence dans telle ou telle langue, s’expliquent parce que nous avons des algorithmes implémentés dans notre tête ? C’est une question qui appartient de plein droit à la philosophie de la linguistique.
Elle possède cependant une portée plus vaste. En aval, en effet, elle concerne la représentation d’une bonne partie du comportement humain, selon le modèle qu’en donnent les cognitivistes de stricte obédience. En amont, elle concerne le vieux débat de théorie de la connaissance entre le rationalisme et l’empirisme.
L’ouvrage prend résolument partie pour une nouvelle forme d’empirisme, l’externalisme qui soutient le caractère originellement artificiel et externe de l’intelligence humaine. Le statut du langage est la pierre de touche de l’argumentation. Quoi qu’il soit le lieu de l’intelligibilité, sa facticité est irréductible. La démonstration de la sous-détermination grammaticale (aucun système de règles ne peut engendrer l’ensemble des énoncés émis par les locuteurs d’une langue donnée) ; l’hypothèse de l’histoire (la temporalité est créative) ; l’hypothèse des outils linguistiques (grammaire et dictionnaires sont des outils qui modifient l’écologie de la communication humaine) et la conjecture sociologique (ce n’est pas dans les individus mais entre eux que se passent les processus cognitifs) permettent d’étayer l’essentiel de l’analyse. En matière d’ontologie, celle-ci conduit à un réductionnisme fonctionnel.
La thèse ultime de l’externalisme, c’est que l’esprit lui-même est d’essence historique et empirique."
Sylvain Auroux est directeur de recherche émérite au Laboratoire d’histoire des théories linguistiques (CNRS/université Paris VII). Auteur de nombreux ouvrages, dont « La question de l’origine des langues » (Puf, « Quadrige », 2007), il a dirigé la publication du tome II de l’Encyclopédie philosophique universelle consacré aux « notions philosophiques ».