Si la ville médiévale apparaît souvent comme un lieu saturé de violence, elle fut aussi, et surtout, un lieu de pacification des tensions, grâce à l'action des autorités urbaines. Dans un souci de garantir l'ordre et la paix dans la cité, celles-ci développèrent des modes originaux de gestion des conflits, permettant un encadrement efficace de la violence. Les très riches archives judiciaires de la ville de Namur, dans les Pays-Bas, permettent d'approcher les formes et les modes de régulation de la violence à la fin du Moyen Age, et les transformations subies par ceux-ci au cours des deux siècles que couvre cette étude. Au XIVe siècle, les élites dirigeantes namuroises, qui exercent la justice dans la cité, fixent elles-mêmes les limites – très larges – de la violence légitime, elles peuvent décider de poursuivre ou non un homicide ou de pardonner à l'agresseur. La vengeance est notamment acceptée comme une motivation de la violence. Au cours du XVe siècle, cette faculté de pardonner aux homicides échappe au Magistrat urbain, au profit de l'officier représentant le prince dans le comté. Ce dernier se voit à son tour progressivement dénier ce droit de pardonner, le prince le revendiquant comme son privilège exclusif. Au terme du processus, il devient la seule autorité habilitée à permettre la réintégration des violents par l'octroi de sa grâce, et donc également à définir les limites de la violence légitime. Les modes de régulation urbains de la violence perdurent cependant concernant les violences légères. Cet ouvrage met aussi en évidence le processus d'intégration d'une principauté périphérique à l'Etat bourguignon, par le biais de l'exercice de la justice. Cette intégration apparaît réussie, la seule ville du comté ayant peu résisté face à sa mise sous tutelle en matière de gestion de la violence. A l'aube de la première modernité s'opère donc un glissement d'une gestion des comportements violents par les justices urbaines fondée sur la réintégration des délinquants à la communauté, vers une volonté de l'Etat, en plein processus de développement, de s'assurer le monopole du contrôle des sujets. C'est ce passage de la "sociabilité urbaine" à la "criminalisation étatique" que ce livre se propose d'étudier.
Author(s): Aude Musin
Series: Studies in European Urban History (1100-1800), 39
Publisher: Brepols
Year: 2017
Language: French
Pages: 216
City: Turnhout
Liste des tableaux et des graphiques vii
Préface ix
Introduction: Étudier la violence urbaine. L’exemple namurois 1
1. Le terrain d’étude: la ville de Namur 5
2. La justice namuroise et ses acteurs 13
3. Sources et outils 28
4. Conclusion 39
Chapitre 1: Violence, vengeance et conciliation 41
1. Une culture de la vengeance et de défense de l’honneur 42
2. Sortir de la vengeance: la réconciliation des parties 52
3. Conclusion 68
Chapitre 2: Violence pour l’honneur, violence pour le vol. Une typologie de la violence 71
1. Une dichotomie de la violence physique fondée sur la préméditation? 71
2. La violence pour l’honneur: beau fait et vilain cas 78
3. La violence instrumentalisée 89
4. Conclusion 97
Chapitre 3: Les transformations de la violence urbaine de la fin du Moyen Âge à la transition vers la première modernité 99
1. Évolutions quantitatives de la violence 99
2. Les transformations internes de la violence 103
3. Conclusion 118
Chapitre 4: Les prémices de la criminalisation de la violence interpersonnelle à l’aube de la première modernité 121
1. Les mesures de prévention 122
2. Briser le cycle violent: la prise en charge des injures et des coups 124
3. Sanctionner l’homicide: de la réintégration urbaine à la criminalisation 139
4. Conclusion 165
Conclusion: les changements de la perception et du traitement des violences par les autorités judiciaires 169
1. De la violence licite à la violence illicite 169
2. De la violence comme une atteinte aux personnes à une atteinte à l’ordre public 170
3. L’effacement de la victime 170
4. Le déclin de la vengeance, un effet de source 171
5. L’encadrement de la violence, un enjeu entre les différents niveaux de pouvoir 172
Bibliographie 175
Annexes 203